En avril 2013, à propos de l’emploi du terme
« homesse » dans un
acte du XIVe siècle de l’abbaye de Boquen [22], on avait soulevé
avec le sourire sur ce « Blog » la question de la « féminisation
des titres » au Moyen Âge (et de la « gender history »).
L’opportunité de revenir sur le sujet est aujourd’hui
offerte par la publication, en septembre 2013, de Jacques Dalarun et Armelle Le Huërou dir. et trad., Claire d'Assise, Ecrits,Vies, témoignages, préf.
d’ André Vauchez, intro. de Maria Pia Alberzioni, Alfonso Marini et Marco Bartoli,
Paris, Cerf - Éditions franciscaines.
Armelle Le Huërou prend en charge, entre
autres, la Légende versifiée de
sainte Claire (1255). Le chapitre XXIX, consacré à la « Formation
quotidienne des sœurs par elle et par les prédicateurs » [p. 447] s’ouvre
sur ces vers :
"Claire, docteure des jeunes filles et maitresse des simples,
A préserver le troupeau qui lui a été confié, à rompre pour lui le pain
De vie, à lui offrir les aliments du salut
Consacre assidument ses plus grands efforts..."
"Réjouis-toi, Claire, bonne docteure.
A tes filles, comme une couronne,
Tu présides par ta sainteté..."
En note, les deux chercheurs précisent que le terme latin, doctrix, féminin de doctor, est pris ici au sens d’ « enseignante ». C’est ainsi que leur choix de traduire doctrix par « docteure » recoupe la polémique à propos de la féminisation des noms de métier, fonction, grade et titre a animé les débats ces dernières années.
Une
rapide enquête sur internet confirme que, « dès l’origine, les métiers
valorisés, étaient sexués ». Au XVe siècle, l’Évangile des
Quenouilles mentionne les doctoresses. Il ne s’agit pas ici de
femmes qui soignent, mais de « femmes qui enseignent la doctrine, de
femmes lettrées » (bref de « docteure », selon les sources clariennes).
Il faut cependant attendre le XIXe siècle. (« diplômes de doctoresses»,
dans une Revue médicale, 1855),
pour trouver le titre de « doctoresse »
au sens de « femme médecin ». Le Dictionnaire
de l’Académie (1932) l’admet, mais préfère « femme docteur ».
Ce n’est
qu’au tournant du XXIe siècle qu’avec plus ou moins de conviction
selon les pays francophones sont débattues des « Règles de féminisation ».Renvoyons à l’article précédent d’avril 2013 (« Homesse et hommasse »)
pour davantage de détails savoureux. Il suffit de rappeler ici que « Quelle que soit la forme
de féminisation choisie, le déterminant devient féminin lorsqu’il s’agit d’une
femme : une auteur, une auteure ou une autrice ; une
écrivain ou une écrivaine; une docteur une doctoresse ou une docteure,
etc. ».