Un miracle de saint Yves.
La cueillette du goémon en Trégor.
La fête de saint Yves (19 mai) est l'occasion de relire quelques ouvrages de Jean-Christophe Cassard. Cet historien qui vient brutalement de nous quitter savait exploiter avec talent les actes du Procès de canonisation de l'official de l'évêché de Tréguier. Voici quelques titres de livres. La bibliographie de ceux-ci orientera le lecteur vers des articles plus spécialisés, le cas échéant.
Jean-Christophe Cassard, Saint Yves de Tréguier. Un saint du XIIIe siècle, Paris, Beauchesne, 1992.
Jean-Christophe Cassard, Jacques Dervilly et Daniel Giraudon, Les Chemins de saint Yves,
Morlaix, Skol Vreizh, 1994.
Jean-Christophe Cassard
et Georges Provost (dir.), Saint
Yves et les Bretons. Culte, image, mémoire, 1303-2003, Rennes, PUR, 2004.
Edités par A. de La Borderie, les témoignages recueillis en 1330 constituent des sources exceptionnelles sur la société Trégoroise à la fin du XIIIe siècle. Auparavant, la Société des Bollandistes en avait publié des morceaux choisis dans les Acta Sanctorum (Mai, IV). J'en retiens ce passage qui contient (d'après le Glossaire de Du Cange) la première attestation du terme "goémon". On en déduit que ces algues servaient déjà à amender les cultures littorales au début du XIVe siècle.
Voici la traduction française que propose de ce texte Jean-Paul Le Guillou, Saint Yves -
Enquête de canonisation. Ceux qui l’ont connu témoignent. Ceux qu’il
a guéris racontent Teck Impressions, Saint-Brieuc, 2e éd., 2003.
(Le traducteur a choisi de faire parler
le témoin au style direct, sous-entendant les questions, supprimant les
redites. Il s'est ainsi fixé pour objectif de donner à ce long compte-rendu
d'audience, non seulement des dimensions plus modestes, mais surtout un peu de
vie, sans pour autant altérer si peu que ce soit le témoignage. Je rectifie
toutefois quelques erreurs de lecture par rapport au texte latin ci-dessus).
TEMOIN 94: Alain André, de la paroisse de Trédarzec, âgé de trente ans ou environ...
« Je me trouvais un jour sur le bord de la rivière maritime, près du port de Roc'h Du à proximité de la cité de Tréguier, en compagnie de trois autres enfants et nous avions recueilli un tas de cette herbe marine qu'on appelle goémon. J'étais monté sur ce tas dans les eaux de la rivière pour le ramener chez mon père, comme on pilote les navires. Je l'avais pourtant déjà mené par l'eau sur la distance d'un jet de pierre, mais le tas se défit et s'éparpilla parmi les eaux. Je tombai donc de mon tas dans la mer, croyant pouvoir rejoindre la terre à pied, mais je n'y parvins pas, l'eau étant très profonde. ».
L'enfant est sauvé de la noyade à la suite de l'invocation de saint Yves par ceux qui assistaient à l'accident. Le témoignage se poursuit:
[…] « Je ne savais pas nager, et je ne le
sais pas non plus maintenant. Je me tenais debout sur le tas, comme on se tient
debout sur un bateau. »
Les Monuments originaux de l'histoire de saint Yves, publiés par A. de La Borderie, avec la collaboration de J. Daniel, R.P. Perquis et D. Tempier sont accessibles et téléchargeables en ligne à l'adresse :
RépondreSupprimerhttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k840878h
Le passage concerné est accessible à l'adresse :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k840878h/f257.image
Bernard a raison d'attirer l'attention des lecteurs de son blog sur l'intérêt de l'enquête sur la vie et les miracles d'Yves de Kermartin. Contrairement à Didier Lett, dont le remarquable travail sur le procès de canonisation de Nicolas de Tolentino a incontestablement renouvelé l’approche de ce type de source, mais au prix de l’adoption de certaines positions que l’on pourrait qualifier à l’occasion de néo-positivistes, je pense que ni le filtre imposé par le formulaire d’interrogatoire, ni le projet ‘idéologique’ qui fonde la procédure de canonisation certes « orchestrée et contrôlée par la papauté, l’institution la plus bureaucratique de l’Occident », n’empêchent absolument d’entendre ce que dit le témoin. Cependant, il est vrai que, pour extraire toute la substance de son témoignage, la lecture et l’interprétation de ce dernier doivent se montrer tout à la fois plus distanciées et plus empathiques.
André-Yves Bourgès