mercredi 6 mars 2013


UBI SUNT ?

La Vie de saint Guénolé (L. II, ch. 16)

 « Voudrais-tu, ô roi, me séduire par tes dons ?
[…] Tu vois comme  je suis vêtu de rude peau de chèvre,
Et me contente pour nourriture de mets quelconques et pas chers.
Alors que toi, pauvre malheureux, brûlant pour un or étranger,
Tu t’entoures de l’éclat des soieries, des perles et des pierres précieuses,
Et ton ventre se remplit de magnifiques repas.
Heureuse de bonne chère ta graisse se prépare pour les vers répugnants.
Flûtes et cithares, lyres et murmures, plectres,
Et tambours emplissent vos palais de leurs sons stridents.
Dis-moi, où sont les rois hier enflés de leur supériorité ?
Les indigents, les  puissants, dis-moi, où sont-ils maintenant ?
Celui qui brillait et faisait l’important,
Entouré de spectateurs, dis-moi, où est-il maintenant ?
Tout ce que la terre a engendré d’aussi méprisable,
Ne l’a-t-il pas écrasé également sous sa dent tenace ?
Cesse de suivre les vanités, qui ne te font aucun cadeau.
Ce qui te fait généreux accomplis-le toujours
Si tu t’arraches aux actes dépravés, les actes bienheureux suivront.
Tout ce qui brille et rayonne à la lumière du soleil,
Dans l’ombre la plus ténue disparaît très vite.
[…] Car, même si tu  brilles d’or pur et de pierres précieuses,
Si ne te touche pas l’indigence de ton frère  malheureux,
Lorsque cessera cependant ta vie passée dans les vanités,
Pauvre et précaire tu te hâteras vers les ombres misérables... »
(Trad. Marc Simon).

François Villon : « Ballade des dames du temps jadis »

Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ni Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Écho parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine
Mais où sont les neiges d'antan?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Abelard à Saint-Denis?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la reine
Qui commanda que Buridan
Fut jeté en un sac en Seine?
Mais où sont les neiges d'antan?

La reine Blanche comme lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine?
Mais où sont les neiges d'antan?


Prince, n'enquerez de semaine
Où elles sont, ne de cest an,
Qu'à ce refrain ne vous remaine:
Mais où sont les neiges d'antan?


UBI NUNC
Boèce, Consol. Phil., L. 2, metr. 7:
... Hommes orgueilleux ! vous cherchez en vain à vous élever au-dessus de votre condition mortelle. Quand votre renommée serait partout répandue ; quand toutes les langues publieraient vos louanges, la mort ne respectera ni les titres de votre maison ni ceux de votre gloire. Elle frappe également les grands et les petits ; sa faux rend tout égal.
Où sont maintenant ce Fabricius [IIIe s. av. J-C.], si fidèle à sa patrie, ce Brutus, si généreux défenseur de la liberté, ce Caton, censeur si sévère des moeurs ?
.(Trad. Léon Colesse, 1771).

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